Elever le territoire urbain contemporain à hauteur d’hommes
Dans l’exposition de cet été à Villa Violet, le propos du curateur est d’établir un contrepoint entre deux démarches artistiques : photographique pour Matthieu Venot, plastique pour Victor Cord’homme.
Le renvoi d’une approche à l’autre vise à renforcer la singularité de chaque oeuvre naissante, tout en en montrant comment la logique de création s’inscrit totalement dans de nouvelles pratiques artistiques contemporaines. Là où Matthieu Venot, le musicien photographe autodidacte est suivi par près de 100000 personnes sur Instagram, Victor Cord’homme enchaîne les expositions dans un rythme endiablé depuis sa sortie des Beaux Arts de Paris.
Le champ d’expérimentation créatif est le territoire urbain, la ville en construction, les structures et les superstructures. Ces deux jeunes artistes vous invitent, chacun dans leur art en devenir, à visiter en quelque sorte leur « chantier » artistique.
La toile de fond de Matthieu Venot est le ciel, là ou Victor Cord’homme travaille sur la toile de lin vierge symbolique de la terre écrue.
Tous deux célèbrent la prolifération de la ville, purement architecturale et volumique chez Matthieu Venot et plutôt filiforme et poétisée chez Victor Cord’homme.
Tous deux font aussi oeuvre de sculpture où triomphe le bâti chez l’un, les plans d’architecture et d’urbanisme chez l’autre.
Énergie puissante et graphique de Matthieu Venot avec sa rythmique architecturale formaliste qui part à l’assaut de l’azur contre dynamique vibrante et ludique des bulldozers, moissonneuses et brindillateurs ou les ballets de folles chaises dansantes de Victor Cord’homme. Organisation spatiale solaire chez ce dernier, ou totalement zigzagante – quand tous les éléments se dissocient et s’agitent comme dans le ballet déclenché par un apprenti sorcier dépassé ou bien au contraire, ravi.
Rythmique soutenue et pratiquement musicale chez Matthieu Venot qui systématiquement simplifie, découpe, isole, abstrait et aseptise la ville. Une ville qui se fragmente en un assemblage infini de plans, sections, empilements et alignements, dans un esprit fonctionnaliste et minimaliste mais où se glissent discrètement lézardes et plantes folles, détails intimistes et poétiques qui réintègrent l’imperfection.
Tous deux composent un gigantesque puzzle. Celui d’une ville-monde labyrinthique de formes et de couleurs. Chez l’un comme chez l’autre, l’oeuvre naît de la déconstruction : opérée par l’oeil analytique et synthétique du photographe ou par l’intellect du plasticien « Léonardesque » qui ré-imagine, usine, découpe, colle, dessine l’épure d’un espace mécanique re-poétisé.
C’est dans un univers futuriste colonisateur d’une exoplanète, avec ses champs de marguerites géantes, que Victor Cord’homme déploie à l’infini ses constructions imaginaires peintes, découpées, dessinées et ses machines à vent ludiques et métaphysiques à la fois. C’est dans un monde du quotidien transfiguré organisé en pans et plans, angles, lignes et verticales découpées par la lumière et les ombres où les couleurs pastels ou vives explosent sagement que Matthieu Venot nous entraîne au fil des clichés.
Mais où est l’homme ? Aurait-il fui, remplacé par la machine ? Sans doute pas : car chez tous les deux l’humain est ce démiurge enfant roi tout puissant, placé de l’autre côté du miroir, derrière l’objectif ou en haut de sa cabine de grue, chef de chantier d’un immense Meccano réinventant l’espace et le monde. Prenez leur point de vue, ajustez votre regard et contemplez.
Bernard Garnier de Labareyre