L’oeuvre peinte et dessinée de Renaud Bargues serait d’origine volcanique. Une énergie infinie et souterraine au puissant débit surgi de loin en loin d’une fissure de la psyché et qui donne naissance, sans ordre particulier, à des séries de vibrantes compositions projetées sur la toile au fil des années. Toutes de profusion tropicale, ses toiles explosent et se confondent avec l’éruption. Il n’y a pas de programmation ni de continuité dans cette émergence. Juste le temps de l’inconscient qui se cristallise. La vie bigarrée, joyeuse, irrépressible. Le temps du coeur et du désir.
Après le temps de l’éruption, le magma incandescent de couleurs qui éclaboussent et strient la toile, devient basalte liquide. Coulée noire au coeur brûlant, incandescence de l’encre qui se ramifie et s’écoule en d’innombrables dessins automatiques. C’est le temps de l’intellect toujours animé de la même force intime que dans les toiles. Une force qui se matérialise sur le papier et se fragmente en une gigantesque mosaïque de visages, corps, objets et architectures croqués avec crudité. Profusion qui submerge et envahit, bouscule et avance inexorable à la vitesse d’un impitoyable courant.
De dessin en dessin, l’artiste produit dans une transe éveillée. Encore et encore. L’encre coule depuis les sillons de son esprit pour se prolonger sur la feuille en un théâtre d’émotions graphiques. C’est notre monde humain contemporain. Chaos, zapping, violence et douceur, humour et bizarrerie. Mutations et déformations. Là, sur chaque carré, Renaud Bargues s’autorise à porter un regard cru et souvent ironique et drôle, burlesque, sur le quotidien du monde pour recréer le sien, fait de parcelles de papier tatouées d’histoires de son ressenti. Les dessins s’alignent en série, instantanés de vie saisis dans le flot de l’existence terrestre et mondaine, là où sa peinture nous offre le spectacle d’un magma originel d’énergie et de fulgurances, ou d’une vierge nature d’avant la civilisation.
Pour stopper le flot mental il y a la destruction, volontaire qui inverse le processus. Le feu purificateur et simplificateur auquel l’artiste a recours chroniquement pour mieux renaître et refaire pousser la nature dans la fertilité des cendres. Le feu qui brûle les dessins et les toiles, jusqu’aux maisons de contreplaqué qui s’écroulent à moitié en contrepoint de l’érection de temples paisibles propices à la méditation. Pour enfin revenir à l’équilibre.
Bernard Garnier de Labareyre